L’entreprise libérée, beaucoup en parlent, peu la mettent en œuvre avec succès.
Nous avons donc souhaité partager un exemple d’entreprise libérée qui fonctionne.
Nous avons eu la chance de recevoir Cécile Gelly Ferlandin, DRH de Bleu Libellule pour un webinar exceptionnel. Durant une heure, nous avons échangé sur leur expérience d’entreprise libérée mise en place en 2019.
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Bleu Libellule est un réseau de boutiques et de e-shop de produits professionnels de coiffure et d’esthétisme destinés aux particuliers.
L’entreprise a décidé depuis plusieurs années de partager les responsabilités et de réorganiser le management dans une organisation libérée.
Nous avons eu la chance de recevoir Cécile Gelly Ferlandin, Directrice des Ressources Humaines de Bleu Libellule.
Préparez-vous à savoir ce qui a motivé le groupe à changer son organisation managériale, à comprendre les avantages, les limites du modèle et leurs réponses. Découvrez aussi les résultats incroyables qui sont générés par cette organisation.
Bleu Libellule c’est :
- 400 boutiques en France planifiées en 2026
- 40 nouvelles boutiques ouvertes par an
- 132 millions d’euros de CA en 2020
- Près de 800 collaborateurs/trices
Bonjour Cécile, pourrais-tu te présenter ?
Merci de votre invitation, je suis contente de partager avec vous tous autour de ce sujet qui me plaît particulièrement.
Je suis DRH de la société CSP qui gère les enseignes Bleu Libellule et NYX.
800 collaborateurs travaillent pour Bleu Libellule, une centaine pour la marque NYX. Le siège social est situé à Gallargues Le Montueux, entre Montpellier et Nimes.
Notre plateforme logistique livre tous nos magasins et les salons Franck Provost et les équipes du siège : comptabilité, RH, marketing.
Le groupe comptabilise 1 200 collaborateurs. C’est l’ensemble de ces salariés que nous avons libéré progressivement depuis 2019.
Quel est votre parcours professionnel ?
Je suis Directrice des Ressources Humaines du groupe depuis 2013.
Auparavant j’ai débuté par des études en alternance au sein de l’entreprise Bleu Libellule. Ensuite, j’ai occupé les postes de responsable administrative, puis responsable RH, puis DRH.
En 2016, j’ai passé un master 2 « RH, Parcours Gestion des Compétences et des Talents » à l’université d’Aix-en-Provence. Depuis 2019, je suis enseignante vacataire pour les étudiants en Master 2 à Aix-en-Provence et à Nimes.
Quel est votre rôle au sein de Bleu Libellule, groupe CSP ?
J’encadre toute la distribution : la paie, le juridique social, la formation, l’administration du personnel, la marque employeur et le RSE.
Les RH ont pris ces dernières années une nouvelle dimension.
La notion d’organisation est très présente : organisation managériale, accompagnement au quotidien des équipes managériales pour organiser une entreprise qui grandit vite et recrute près de 150 personnes par an.
De même, la notion de conseil est forte, auprès des équipes et auprès des équipes dirigeantes.
Vous pouvez suivre les actualités de Bleu Libellule sur LinkedIn.
Passons au sujet du jour : l’entreprise libérée. Quelle est la définition que vous avez en interne de l’organisation libérée ?
Il existe de nombreuses formes d’entreprises libérées. Le terme regroupe beaucoup d’entreprises, avec un concept qui a émergé dans les années 90.
Tous les modèles ne sont pas performants, sinon toutes les entreprises seraient libérées.
Entre le modèle d’entreprise libérée d’Isaac Getz sans management et des entreprises responsabilisées comme Decathlon qui s’appuie sur des capitaines au quotidien auprès des équipes.
Nous avons défini un juste milieu, qui nous ressemble.
On croit beaucoup au management dans l’accompagnement. Le collaborateur peut prendre des initiatives, partage les responsabilités toute en enrichissant la fonction managériale.
Les managers ont un rôle clé dans cette organisation.
Quelle a été la motivation première qui a incité à instaurer cette organisation dans l’entreprise ?
Ce sont vraiment les 2 fondateurs de l’entreprise, Jean-Philippe Wincker et Caroline Wincker, qui sont à l’initiative de cette idée.
Nous recherchions depuis 2018 d’un modèle plus efficace. Nous avons des petites unités, des magasins avec 3 ou 4 personnes.
L’organisation était traditionnelle avec un manager, des vendeurs, parfois un manager adjoint. Avec des managers qui manageaient au lieu de vendre, l’efficacité était limitée.
Nous avions besoin de rendre les points de vente rentables plus rapidement. Quand on ouvre entre 20 et 30 boutiques par an, s’ils ne sont pas profitables assez rapidement, le modèle global est en danger.
Nous souhaitions trouver un modèle innovant. Nous avons choisi ce modèle d’entreprise libérée pour responsabiliser les équipes, de gagner en efficacité et de remettre tout le management à la vente.
C’était un choix pour le bien-être des équipes, pour l’efficacité et dans une logique de rentabilité de l’entreprise.
J’insiste sur ce point car on imagine souvent l’entreprise libérée comme un monde merveilleux mais rarement efficace.
Nous partons du principe qu’un collaborateur qui est bien dans son poste, qui prend les bonnes décisions, qui est heureux et épanoui, est plus efficace.
Le principe « Aujourd’hui dans un magasin, il y a 4 personnes et une seule qui pense » nous posait un vrai problème. Nous avons misé sur le partage des responsabilités et l’utilisation de toutes les idées.
Pouvez-vous nous expliquer comment ce nouveau mode managérial a été mis en place ?
Nous avons commencé par les magasins car c’est notre plus grande population. C’est la partie qui demandait le plus à gagner en efficacité.
Nous avons débuté en 2019 en modifiant le poste de directeur régional de l’époque. Ils géraient alors plusieurs managers de boutique.
Nous avons supprimé ce poste en définissant un poste de directeur commercial qui est orienté uniquement commerce.
Il abandonnait alors les fonctions RH, administrative et managériale. Nous avons étoffé les équipes siège pour un soutien quotidien aux équipes terrain.
Nous avons supprimé tous les process : notes de service, règlements à l’exception du règlement intérieur qui est une obligation légale.
À la place, nous avons développé une charte éthique, très précise avec un ensemble de questions réponses pour aider le collaborateur à prendre les bonnes décisions. Un thème, 3 ou 4 questions et des exemples pour prendre la bonne décision.
Nous avons réalisé des ateliers d’équipe pour faire travailler tout le monde ensemble. Et pour permettre à tous les collaborateurs de comprendre ce qu’on attendait dans la responsabilisation.
Nous avons progressivement innover sur la partie RH :
- la pose des congés payés de manière libre : chaque collaborateur détermine ses congés sans validation, ils choisissent et s’organisent entre eux
- l’autoplanification : les collaborateurs définissent leur planning en équipe
- le paiement du salaire à la demande : une application permet de se verser son salaire quand on le souhaite
- le temps de travail choisi : récemment mis en place, les collaborateurs choisissent de travailler entre 28 et 39 heures sur des périodes de 6 mois. Si je souhaite moins travailler sur les 6 mois, je suis moins rémunéré. Si je travaille plus d’heures sur les 6 mois suivants, je peux être rémunéré en heures supplémentaires.
Quelle est l’organisation en termes de hiérarchie chez Bleu Libellule ?
Je ne l’ai pas spécifié au départ, nous avons effectivement débuté par supprimer l’organigramme.
C’est une décision qui n’est pas facile. En externe, tout le monde souhaite savoir qui fait quoi. Nous l’avons remplacé par un trombinoscope.
Chez Bleu Libellule, il n’y a plus de hiérarchie car plus d’organigramme.
Après, l’entreprise fonctionne toujours avec des managers. Et en conséquence, des personnes qui sont managées.
Le manager ne se positionne plus en personne sachant mais en accompagnateur. Son rôle au quotidien a véritablement changé. Il a un rôle de coach et d’organisateur.
Les équipes ont donc une réelle autonomie. Quelles sont leurs droits, leurs devoirs ?
Les employés ont des devoirs, ils sont dans leur contrat de travail 😉
Il faut être vigilant sur cette frontière à ne pas franchir : le premier devoir des collaborateurs est de respecter leur contrat de travail.
Ensuite, ce qui nous aide à prendre les bonnes décisions est notre charte éthique, qui fait une trentaine de pages et qui est mise à jour régulièrement.
Lors d’une prise de décision, elle fait poser les questions suivantes :
- Quel est l’impact de ma décision sur les parties qui m’entourent ?
- Est-ce légal ?
- Est-ce que si ma décision était communiquée à tous, serais-je à l’aise avec cette décision ?
Nous aidons ainsi nos collaborateurs à prendre leurs décisions, mais on ne prend pas les décisions à leur place.
Leur droit principal est l’autonomie et la prise d’initiative dans leur périmètre.
L’organisation d’une entreprise libérée n’est pas brouillonne. Chacun connaît son périmètre et est autonome dans son travail. Il ne faut pas d’interférence avec sa hiérarchie pour prendre les bonnes décisions.
On estime que le collaborateur est celui qui a la meilleure connaissance de son métier et qu’ils possèdent en général les réponses à ses questions.
Dans une organisation classique, pour 99% des demandes de validation, le collaborateur connaît la réponse. Soit cela le rassure, mais cela ne l’incite pas à prendre l’initiative. Soit cela inhibe le salarié et se questionne sur le sens de ces processus de validation.
Bien sûr, des erreurs existent. Mais comme dans toute entreprise. Si une société me dit qu’il n’y a aucune erreur dans son organisation, soit il y a peu de projets, soit peu d’innovation 😄
Pour innover, il faut assumer le droit à l’erreur.
Dans une entreprise comme Bleu Libellule, il y a beaucoup de réussite. Le développement de l’entreprise, les progressions internes, le succès des dirigeants. Tout le monde souhaite réussir et ne veut pas faire d’erreur.
Mon rôle de DRH est aussi de rappeler ce droit à l’erreur.
Qu’il ne faut pas confondre avec la faute, qui est sanctionnable. Le disciplinaire existe toujours au sein de notre structure.
Des exemples concrets d’autonomisation des équipes ?
Lors d’un des ateliers de pré-responsabilisation, une vendeuse me donne un exemple concret.
Elle vend un steampod, une pince à lisser d’une forte valeur. La cliente souhaite un paiement en deux fois, avec un chèque à date.
À l’époque, tout remboursement nécessite la validation du manager.
Elle se rend compte que le chèque n’est pas validé après avoir encaissé un premier paiement par CB. Elle tente de joindre son manager et son DR qui sont injoignables.
Le client attend.
Quand on souhaite proposer la meilleure expérience client, on ne peut pas laisser faire cela.
La vendeuse est démunie, elle rembourse la cliente. Par elle-même, elle a certainement pris la meilleure des décisions.
Par la suite, elle se fera sermonner par son manager pour avoir réalisé un remboursement sans son aval.
À partir de ce type d’exemple, on se dit que mettre des règles pour mettre des règles n’a pas de sens.
La bonne règle est la satisfaction du client. Sans l’attente, les appels au manager etc., l’expérience de vente aurait été bonne.
Voilà ce qu’on a supprimé.
Un vendeur a tout autonomie pour vendre, faire une remise, rembourser, offrir un produit à une cliente mécontente, etc.
Conclusion, en 2019, première année de responsabilisation, nous n’avons jamais réalisé d’aussi bons chiffres.
Quel est l’avantage principal de ce mode d’organisation dans votre cas ?
L’avantage principal de notre organisation est la performance.
Notre organisation nécessite des mises en place spécifiques mais qui génère du bien-être, de la confiance et en bout de course du résultat positif.
Les équipes ont aussi maintenant la capacité de prendre des initiatives.
Nous sommes sur une relation de travail agréable, qui apporte de la sérénité et de la performance. Des études ont clairement mis en lumière la relation entre la confiance des collaborateurs et la performance.
Quels sont les limites ou inconvénients de l’entreprise libérée ? Comment vous y remédiez ?
Il faut trouver le juste milieu entre la prise d’initiative des collaborateurs, l’organisation et le management.
Quand on enlève le pouvoir aux managers, ils sont perdus au départ.
Ils ont appris à diriger, c’est encore dans tous les programmes de management.
Comment valider, comment contrôler, entretien de cadrage, comment recadrer un collaborateur : voilà comment les managers sont formés aujourd’hui.
Alors quand on lui annonce qu’il va manager sans ces notions, il connaît un moment de flottement.
Il en oublie que son rôle est d’organiser et de développer les compétences de ses équipes. C’est cela qui fait grandir une entreprise, ce n’est pas de contrôler ou limiter. On touche là au rôle principal du manager.
Le travail et les tâches doivent être organisés, même si l’initiative est possible. Le risque est d’avoir des frottements entre les tâches, que certaines débutent trop tard, que d’autres ne soient pas faites.
Pour sécuriser l’organisation, nous valorisons le management de proximité, au quotidien.
Ce n’est pas limitant de demander à un collaborateur comment il est organisé, ce qu’il a à faire, comment il voit l’avenir, est-ce qu’il a besoin d’aide, quelle organisation il va mettre en place.
Un autre risque auquel nous avons fait face est le contournement du système ou la résistance au changement.
Dans toute organisation, il existe 2 ou 3% des personnes qui avancent dans le sens inverse. Et souvent la plus grande erreur est de se concentrer sur cette minorité de collaborateurs et d’établir des règles pour eux.
On a une personne sur 100 qui vole dans la caisse, alors on va faire une note de service. Mais finalement on donne des règles à 99 personnes qui n’auraient jamais eu ce geste.
Quand on libère l’entreprise, on a 3% de collaborateurs qui vont tenté d’utiliser le système. Ce qui est risqué, quand on s’aperçoit des dégâts que cela peut occasionner, d’avoir le réflexe de revenir en arrière. C’est une erreur.
Règle ou pas règle, cette personne aurait cherché à contourner le fonctionnement normal. Sinon, le disciplinaire, les prud’hommes n’existeraient pas, on serait dans un monde parfait.
Il faut essayer d’oublier ces personnes dans l’organisation et le groupe va les écarter. On a vu des personnes partir d’eux-mêmes naturellement. Leur négativité était dérangeante au milieu d’un groupe positif et ils ne s’y retrouvaient plus.
Dans une entreprise libérée, il faut laisser faire le groupe et ne pas se focuser sur ces personnes négatives, qui n’acceptent pas le changement.
Tu changes tes habitudes, tu donnes ton temps aux personnes qui sont positives. Ces personnes vont être de plus en plus positives et les personnes négatives ne trouveront plus l’écho qu’elles recherchent.
Avec l’entreprise libérée, la hiérarchie managériale est bouleversée. En conséquence, quel est le nouveau rôle des managers ?
Chez Bleu Libellule, les managers organisent le travail.
Nous avons plusieurs métiers de manager chez nous, celui de manager de boutique est le plus présent.
Ils ont un rôle très important, ils coordonnent l’ensemble des équipes et leur travail pour que le client soit bien servi, que les équipes aient toutes les connaissances notamment des opérations commerciales.
Les managers au siège sont support du commerce, avec 11 pôles (commerce ou support). Le manager organise, développe les compétences au sein du pôle et il crée la communication entre les pôles.
Est-ce que vous diriez que cette organisation favorise la confiance, la transparence ?
Les vendeurs et vendeuses en points de vente ne sont pas nécessairement issu(e)s du monde de la coiffure.
Or, ils font parfois face à des coiffeurs professionnels. Imaginez que leur métier est de vendre des produits professionnels de coiffure à des clients particuliers ou professionnels. Quand on vient de la vente, si la personne n’a pas confiance en ce qu’elle raconte, elle ne réalise pas de vente.
La confiance est la base de notre commerce, nous formons chacun de nos collègues à développer sa confiance en lui/elle et la confiance en nous.
Avec les actions de bien-être au travail, Great Place To Work (en savoir plus sur le label Great Place To Work pour Bleu Libellule), la formation au sein de nos enseignes.
Cette organisation libérée nécessite-t-elle des outils spécifiques, par exemple sur la communication ?
Je pense que la responsabilisation ne peut fonctionner dans une entreprise que si l’organisation est un minimum digitalisée.
Le principe de notre responsabilisation est le développement des compétences qui passe par la formation et l’information.
Toute nouvelle est communiquée à tout le monde. Le manager apporte de la plus-value à l’information.
Mais l’information ne doit pas être hiérarchisée.
C’est la base de la responsabilisation selon moi. Pour que l’information soit fluide, il faut des moyens de communication.
Nous sommes très digitalisés avec une plateforme d’e-learning qui nous sert de réseau social interne, un SIRH, toute la RH est digitalisée (contrat, bulletin de paie…), Popwork pour partage et suivi des to-do et questions, un logiciel de gestion du temps pour les plannings.
Nous avons du mettre en place tout un système digital autour de l’organisation.
Nous étions à l’origine déjà très digitalisés. Nous avons lancé un projet zéro papier dès 2009, avec gestion dématérialisée des documents.
On a ensuite ajouté des logiciels, le SIRH date de 2021 par exemple, Popwork depuis 2022.
Ce nouveau mode d’organisation demande-t-il de mettre en place des programmes de formation spécifiques ou adaptés ?
Nous formons les managers à leur arrivée, il faut réaliser une remise à zéro pour changer leur état d’esprit.
Un stage de formation d’une semaine au siège et de trois semaines en magasin est réalisé. Nous proposons des séminaires deux fois par an et des formations plus spécifiques pour les vendeurs.
Nous avons des Beauty Trainers, formateurs internes aux pratiques de vente, de commerce et management.
Mesurez-vous le résultat de ce mode de gestion ? Et comment ?
Nous avons mis en place la responsabilisation en début 2019. C’est la première année de référence pour nous.
Lors de cette année, nous avons réalisé +6% de chiffre d’affaires supplémentaire à notre croissance habituelle. L’impact a donc été très rapide.
Ensuite, nous avons eu les 2 années COVID. Cette année, nous ouvrons entre 30 et 40 boutiques par an, alors que nous étions plus sur 20 nouveaux points de vente précédemment.
Nous avons des indicateurs que nous surveillons : Great Place To Work en 2013, 64% de satifsfaction, 81% de satisfaction en 2021.
Nous sommes référencés dans leur classement depuis 3 années consécutives.
Nous avons connus un contexte difficile, avec les fermetures de magasins en centres commerciaux, les équipes arrêtées, le redémarrage des magasins, des personnes qui avaient perdu l’habitude de travailler jusqu’à 21H, le samedi, le dimanche.
Or, nous avons eu une reprise rapide, des équipes toujours motivées, malgré tout. L’organisation résiste aux événements.
Les équipes sont engagées, plus patientes. Elles ont conscience de ce que l’on réalise pour eux, de leur responsabilité dans leur bien-être et nous avons construit une relation de confiance. C’est cela qu’on mesure avec Great Place To Work.
Nous avons vu beaucoup d’entre-aide dans ces périodes difficiles. Nous mettons en œuvre les choses pour répondre à un possible essoufflement avec le temps de travail choisi par exemple.
Nous arrivons aujourd’hui à être à l’écoute de nos collaborateurs avec sincérité.
Cette écoute se réalise beaucoup en direct, notamment les fondateurs impulsent ces moments d’échange avec les équipes sur le terrain.
Nous nous déplaçons régulièrement en boutique, sur les salons, c’est ancré dans notre culture.
Forcément dans la mise en place, il y a des couacs. Une anecdote à ce sujet ?
On a connu beaucoup de couacs, forcément.
Certaines personnes confondent responsabilisation et « je fais ce que je veux« .
Nous avons eu récemment un sujet avec une collaboratrice sur un paiement. Après relance, la personne a utilisé la responsabilisation comme défense, invoquant même du harcèlement.
Parce qu’on est responsabilisé, on ne doit plus s’expliquer sur des situations anormales ?
La base est la loyauté et le contrat de travail. La responsabilisation n’empêche pas de devoir rendre des comptes sur les actes.
Quel est le meilleur conseil que vous donneriez à quelqu’un qui souhaite sauter le pas et libérer son organisation ?
Il faut que ce soit une démarche sincère, initiée par la présidence.
Cela ne doit pas être uniquement pour la performance. Il existe d’autres moyens d’accroître les résultats et celui-ci n’est peut-être pas le plus simple.
Le point essentiel est l’écoute.
Pas si simple, car en tant que manager, on est leader dans l’âme. On aime influencer, donner son avis.
Mais donner son avis, c’est aussi orienter l’avis des autres et de nombreuses personnes se taisent alors.
Commencez par vous mettre en mode écoute. Je me l’applique personnellement d’ailleurs. Je laisse maintenant les personnes en face de moi me donner leurs solutions. J’ai personnellement grandi en changeant mon mode de fonctionnement, d’ailleurs.
Cela se traduit aussi par plus de plénière de 4 heures quand on fait un séminaire mais des ateliers où les collaborateurs s’expriment, quand on fait un entretien, on se tait et on écoute.
Les questions des participants :
Dans ce cadre, n’y a t’il pas des tensions entre collaborateurs ? Par exemple, ceux qui travaillent trop versus ceux qui ne travaillent pas assez ?
Oui, mais cette problématique n’existe-t-elle pas dans les organisations classiques ?
Si l’organisation du manager n’est pas bien en place, les personnes qui n’ont pas besoin de cadre vont beaucoup travailler, et vont avoir le sentiment de travailler plus que d’autres. Et inversement.
Le rôle du manager est donc de challenger ceux qui travaillent moins, proposer d’être plus efficace ou organiser différemment pour ceux qui travaillent plus. Et montrer que tout le monde à sa place.
Dans une organisation classique, la prise de décision est sacralisée.
Mais globalement, on souhaite moins se facher avec son collègue que de dire que son manager n’est pas sympa. Finalement, on voit moins de tensions.
En faisant mon planning avec mes collègues, je prends mes responsabilités et je suis plus à l’écoute des demandes des uns et des autres. Nous avons réduit les problèmes de planning depuis que les managers n’interviennent plus dans la validation.
Dès lors que le collaborateur peut choisir son planning / son temps de travail, ne subissez vous pas de pénurie de main d’œuvre ?
Le temps de travail choisi sur un semestre vient d’être mis en place, donc je n’ai pas un recul suffisant. Mais initialement nous avons reçu 70 demandes.
Pour le moment, ceux qui demandent moins se complètent avec ceux qui demandent plus. Nous avons même certaines personnes qui envisageaient de partir qui sont ont préféré resté et profiter du temps réduit.
Les Directeurs commerciaux, anciennement Directeurs Régionaux, restent-ils les managers des Responsables de magasin bien que leur poste ait évolué ?
Non, nous avions un problème de « Petit chef » sur ce poste, ils passaient leur temps à valider les demandes, à gérer de l’administratif.
On souhaitait qu’ils s’interrogent sur leur plus-value. Ils parlent maintenant commerce, opérations commerciales, ils forment sur les produits. Ils n’ont plus de management. Nous gérons le RH, ils gèrent le commerce.
Outre la performance, quel bilan sur le turn over et l’attractivité ?
Sur 2019, nous avons réduit le turnover de moitié.
L’ancienneté moyenne augmente, nous sommes passés de 2,6 ans à 3,5 ans. Ce sont des indicateurs forts. L’année 2022 est plus complexe, avec plus de turnover.
Le temps de travail choisi : comment le gérez vous contractuellement parlant ?
Nous avons des décisions unilatérales négociées avec le CSE et nous réalisons un avenant au contrat pour 6 mois. On a voulu simplifier, pour limiter les litiges et les cas aux limites.
Nous souhaitons remercier Cécile Gelly Ferlandin pour avoir partagé avec nous le retour d’expérience de Bleu Libellule sur la mise en place d’une organisation basée sur la responsabilisation des équipes, ou entreprise libérée.
Si vous souhaitez faire évoluer votre organisation, nous pouvons vous aider. Contactez-nous et nous en discutons.